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Journal de 13h  –  France 2  –  11 janvier 2015  –  présenté par Laurent Delahousse

45’20

Un mot avec vous, Franz-Olivier Giesbert : On vient d’entendre, Place de la République, cette Marseillaise, cette Marseillaise qu’on entend un peu partout en France depuis trois jours, de manière spontanée, dans des stades de football, là on l’entend encore également sur la Place de la République. Qu’est-ce que vous ressentez, Franz, vous qui suivez cette histoire, cette vie politique française depuis quelques années ?

Mhh, de mémoire de journaliste – la mienne est très longue –, je n’ai jamais vu ça. Ce qu’on vit ce sont des moments absolument extraordinaires. Moi, comme plein de [?] des gens de Charlie, c’est vrai que j’ai passé deux trois jours à pleurer, à trember de rage, tout le temps, et je me suis rendu compte que les Français c’était pareil, c’était exactement la même chose. Et je crois qu’il y a tout lieu aujourd’hui d’être fier d’être français. Ce qui s’est passé là, ce qui se passe, c’est une claque dans la gueule contre les terroristes qui pensaient, à travers le terrorisme justement, désorganiser tout, créer des querelles interminables, ce que fait en général le terrorisme, mais plutôt là ce que vous avez vu, c’est un peuple debout qui se lève. Et puis c’est aussi une réponse à tous ceux qui nous disaient « La France est morte », « la République est morte », « la laïcité est morte » : on n’entend que ça dans des livres, on le lit ces derniers mois, et on voit que c’est pas vrai. C’est pas vrai, parce qu’il y a une espèce de réaction en masse pour une République... alors... tout à l’heure il avait raison, euh... Borloz, sur le fait que... il faut plus de fraternité, certainement... les cercles de fraternité, comme il disait, c’est joli. Moi je suis pour une République plus fraternelle, mais aussi plus autoritaire. Je pense qu’il faut qu’elle soit juste un petit peu moins couillonne... je crois que c’est aussi une des leçons... on voit très bien derrière tout ça qu’il y a la volonté de s’aimer... d’ailleurs c’est extraordinaire, moi je passe régulièrement à la République –  j’habite à côté – de voir tous ces gens... il y a toutes les religions, il y a toutes les couleurs, toutes les couleurs de l’arc-en-ciel et puis ils sont là, ils crient « Vive la France », « Vive la République », ils chantent la Marseillaise... c’est absolument extraordinaire. Je crois... [gros plan sur le Monument à la République, sur lequel sont montés certains manifestants] c’est pour ça qu’il y a tout lieu d’être optimiste pour ce pays là, ça y est, il se relève, hein, on croyait que c’était foutu, pas du tout : c’est le contraire.

Franz-Olivier Giesbert, oui. François Baroin, le peuple est dans la rue, mais il lance aussi un appel à vous, les politiques [pointant de l’index François Baroin] : « Soyez responsables, soyez à la hauteur de tout cela, de tous ces engagements, de cet appel » [pointant de l’index la caméra], parce qu’aujourd’hui tout le monde est dans la rue, tout le monde est solidaire ; demain et après-demain il faudra apporter de nouvelles réponses pour que la République soit plus forte, pour que la vie politique soit plus puissante en France [ton modérément interrogatif]...

Sûrement, sûrement... euh... « Je suis Charlie » ça veut dire « je suis libre », « je suis Français ». « Je suis Charlie », ça veut dire « je suis libre », mais « je veux aussi de la sécurité ». En fait, ce qui se passe en France, c’est le 11 septembre. Et ce qui s’est passé aux Etats-Unis, en réponse de la part de la puissance politique – puisque vous l’interpellez à cela – c’est le Patriot Act. Ils ont fait voter un texte qui a remis en cause beaucoup de libertés collectives et individuelles, en l’espace d’un mois. Ça a posé de nombreux problèmes. On est un peu plus de dix ans plus tard, donc le débat politique qui va s’ouvrir dès demain matin, au lendemain de cette page d’histoire que nous découvrons tous ensemble, c’est : Quelle sera l’acceptation par le corps social et par la société française, de la remise en cause d’un certain nombre de libertés individuelles et collectives, au prix d’une sécurité individuelle et collective. Peut-être, d’une certaine manière, que le chemin des dix années qui viennent de s’écouler aux Etats-Unis nous permettra aussi d’éclairer celui que nous devrons écrire assez rapidement, ensemble. J’espère, là aussi, que nous serons capables d’avoir un tronc commun politique [LD : il le faut...] quelles que soient les sensibilités [il le faut], et il le faudra probablement.



Lire aussi, à propos du Journal de 13h du 12 janvier : « Repérer et traiter ceux qui ne sont pas Charlie », une brillante analyse de Nathalie Saint-Cricq – La Rotative
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